"Il y a un an, jour pour jour, nous étions réunis devant ce même monument, avec le réconfortant sentiment que le ciel allait enfin s’éclaircir, suite à une série de déclarations musclées de plusieurs chefs d’Etat. Monsieur Charles Michel et des hommes politiques de tous bords de notre pays s’engagèrent dans cette voie. J’en profite aujourd’hui, au nom de la communauté arménienne de Belgique, pour leur exprimer tout le respect que nous leurs portons.
Il ne fallait pas chercher à lire entre les lignes. Les mots étaient clairs. Le négationnisme semblait en prendre pour son grade.
Honderd en één jaar geleden, …het klinkt bijna als de eerste woorden van een sprookje. Maar dan denk je: wat nu? Want het cijfer één klinkt ook als een nieuw begin, een keerpunt en het begin van een ander verhaal. Hoe dan ook moet deze gemeenschap een toekomst bouwen die ruimere perspectieven biedt dan de erkenning van de volkerenmoord.
L’embellie fut de courte durée, car les circonstances allaient, une fois de plus, offrir à la Turquie l’occasion de s’imposer, à l’avant-scène de l’échiquier politique. Elle allait se permettre de le faire sans même se donner le mal de maquiller les contusions qu’elle inflige ponctuellement à son prétendu profil démocratique.
Mais nous avons appris entretemps que par-delà l’opportunisme politique qu’offre la conjoncture, la Turquie actuelle, ce que j’appelle la vraie Turquie moderne, a une face cachée, même si elle présente parfois des balafres: une face de moins en moins occulte, qui cherche patiemment et courageusement à recouvrer son honneur perdu grâce au travail incessant de citoyens bien plus responsables et plus dignes que ceux qui les gouvernent.
Mais, ne nous égarons pas. Nous sommes ici aujourd’hui pour accomplir un travail de mémoire. «Il y a, dit Jacky Dahomey, philosophe guadeloupéen, une mémoire qui libère et une mémoire qui emprisonne La première est une mise à distance qui permet la recherche historique et se projette vers le futur. La seconde, de nature pathologique, se nourrit d’une confusion du passé et du présent. »
Deze uitspraak van de filosoof uit Guadeloupe is werkelijk interpellerend in zo ver we hier niet zijn om uitsluitend het verleden te eren, maar ook om te herdenken, en daar mee bedoel ik her-denken, dus vanuit een ander standpunt te beschouwen. Met name met een kijk op de toekomst, aangezien een bestendige en strakke fixatie op het verleden kan werken als verdoofmiddel.
Le devoir de mémoire est une discipline que notre conscience nous dicte, tandis le travail de mémoire, sous-entend une avancée, une progression, dont l’aboutissement peut, si c’est notre volonté, se concrétiser sous la forme d’une libération.
Voilà qu’ici, pour la cent et unième fois il nous est offert l’occasion de nous mettre à distance des événements de l’histoire, et de ce fait de les analyser avec davantage de lucidité, dans l’espoir que la leçon du passé nous aide à nous ancrer dans un avenir meilleur.
Il est vrai qu’en ce 24 avril 2016, à y regarder de plus près, la chape des enjeux géopolitique et économiques continue de peser de tout son poids sur la légitime et trop longue attente d’une majorité des descendants du génocide de 1915. Cependant il faut veiller à tout prix que cette revendication ne se transforme en une obsession, qui finirait par anesthésier le mouvement vers l’avant.
Aussi peut-on légitimement se demander si, après cent ans, nous ne pourrions pas désarméniser le génocide de 1915. Par désarméniser, j’entends : accepter qu’il ne faut pas tant se battre pour nous même mais avant tout avec et pour les autres , qu’il faut se dégager du carcan d’un passé oblitérateur, se rallier à un combat aux dimensions plus planétaires que nationales, adopter des visées qui touchent davantage aux frontières de l’humanisme universel plutôt qu’à celle d’une parfois chimérique et aléatoire entité territoriale…. en un mot de tout mettre en œuvre pour s’attaquer aux racines du mal, plutôt que d’en éradiquer quelques symptômes. Certes, la vigilance est toujours en vigueur, mais face au négationnisme, ne nous laissons pas emporter loin du champ de la vraie bataille pour parer à la moindre escarmouche collatérale et à la moindre manœuvre de divergence. Il faut s’armer de fermeté en restant soi-même, en maîtrisant et assumant une identité dont la marque de reconnaissance ne doit pas être uniquement lié à un avatar de l’histoire, aussi tragique soit-il. Cette identité doit refléter et rendre dans sa globalité une histoire et une culture qui ne vaut ni mieux ni moins que celle de du voisin, mais mérite la même attention. Je crois sincèrement que le temps est venu de n’être ni d’ici ni de là-bas, mais de partout, du fait même que nous tous sommes les légataires universels de l’histoire de cette planète. Il n’y a plus moyen de la morceler, ni d’en avoir une vision réductrice.
Et comment ne pas en revenir à Jacky Dahomey, quand il dit : « Quand je condamne les camps de concentration, ce ne n’est pas le Juif que je défends mais l’humanité dans le Juif». Voilà qui touche à l’essence même de la tâche qui nous attend et c’est la clé de la libération. Depuis quand répétons-nous « plus jamais cela » ? Depuis le génocide de 1915 ? Depuis la Shoah ? Depuis le génocide des Tutsis ? Quand on dit plus jamais, il n’est pas possible de tolérer qu’il y ait un après succédant au mot jamais. Alors peut-on se permettre d’avoir la moindre hésitation à espérer que dans un proche avenir une loi mette, une fois pour toutes, nos amis tutsis à l’abri des perfidies du déni ?
Nooit meer…Plus jamais…Wij hebben het bewijs geleverd dat het we die woorden maar gemompeld hebben en niet luid uitgeroepen, met te weinig overtuiging hebben overbracht, niet duidelijk genoeg om verstaanbaar te zijn. Wij hebben niet alle mogelijkheden verkend en actiemiddelen te werk gesteld om doeltreffender op te treden. Wij hebben het verzuimd om op tijd alle voortekenen in acht te nemen en te decrypteren. Het bewijs is er, dat we met ons allen verantwoordelijk zijn. De slachtoffers van de genocide van 1915, ten overstaan van de Joden, en wij allen ten overstaan van de Tutsis.
Plus jamais…La preuve en est donnée que nous l’avons pensé tout bas, dit sans assez de conviction, et pas crié assez fort que pour être entendus : nous n’avons pas exploré toutes les pistes d’un moyen d’action plus efficace. Nous n’avons pas décrypté à temps les signes avant-coureurs.
C’est, pire encore, la preuve que nous sommes tous responsables. Les victimes des génocides de 1915 envers les Juifs, et nous tous réunis envers les Tutsis. Et de la responsabilité à la culpabilité, il n’y a qu’un pas….
Et voilà que nous en sommes encore à dire plus jamais cela en voyant les images qui nous parviennent du Moyen Orient et celles qu’on nous cache du Burundi, espérant naïvement que des lois et des décrets sauveront l’humanité. Et au lendemain des attentats qui ont frappé au cœur notre pays, qui n’a pas eu cette même pensée, qu’il fallait à tout prix mettre un terme à la barbarie ? Les mots ne resteront-ils donc jamais que des mots !
Terwijl materialisme zegeviert in alle mogelijke vormen, leven we bovendien ook in een wereld waarin jan en alleman zich geroepen voelt om de meest banale vaststelling en de meest criante waarheden in twijfel te trekken. Het is geen nood, maar eerder een principe, zodanig dat alles bestendig waadt in een oeverloze relativiteit en onze gedachtewereld een gevoel van gewichtloosheid ontwikkelt. Het is onontbeerlijk een weerbaarheid op te bouwen en een strijd aan te gaan tegen deze gewichtloosheid als we, zoals het betaamt onze doden willen eren.
Et nous nous en sommes encore à dire plus jamais cela en voyant les images qui nous parviennent du Moyen Orient espérant naïvement que des lois et des décrets sauveront l’humanité. Les mots ne restent donc que des mots !
Il est vrai que ce siècle, est désarmant par son matérialisme triomphant. Chacun se sent appelé à remettre en cause la plus banale des assertion et la plus criante des vérités. Il le fait davantage par principe que par nécessité, faisant la part belle à une relativité qui semble triompher de tout, laissant nos idées en état d’apesanteur.
C’est contre cette apesanteur qu’il s’agit de lutter si nous voulons vraiment honorer nos morts. Je voudrais terminer avec une très simple citation de l’auteur juif Edgar Hilsenrath issue son livre sage et poétique qu’il consacre aux Arméniens. Ik zou graag eindigen met een aanhaling van de Joodse auteur Edgar Hilsenrath, uit het wijze en poëtische boek dat hij schreef over de Armeniërs Das Märchen vom letzten Gedanken: « Wat overleefde moest vruchtbaar zijn opdat de duivel zou kunnen vaststellen dat God niet tevergeefs had gezaaid.” « Ce qui avait survécu devait être fécond, afin que le diable vît que Dieu ne semait pas pour rien. »
Mesdames Messieurs, en ce lieu, la mémoire prend tout son sens grâce à votre présence. Soyez-en chacun de vous sincèrement remerciés.
Je tiens aussi à marquer toute notre appréciation aux forces de l’ordre qui, nuit et jour, sont au service des citoyens et sur lesquelles nous avons pu compter durant les heures tragiques que la Belgique a traversée. Aan u allen hier aanwezig gaat onze oprechte dank en ook bijzondere dank aan de doeltreffende ordediensten."